Personne ne verra jamais Dieu, mais l’amour dont il est le nom

1 Jean 4:11-21

Culte du 12 janvier 2014
Prédication de pasteur James Woody

( 1 Jean 4:11-21 )

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Culte du dimanche 12 janvier 2014 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, c’est presqu’un soulagement de lire dans cette lettre que personne n’a jamais vu Dieu. Cela correspond tellement à notre expérience ou plus exactement notre non-expérience d’un Dieu qui se montrerait, d’un Dieu que l’on verrait face à face. Lire que personne n’a jamais vu Dieu est rassurant, mais c’est faux. En tout cas, c’est contradictoire avec ce que nous pouvons lire dans le livre de l’Exode, aussi bien en Ex 24/11 qui stipule que les Israélites virent Dieu puis qu’ils mangèrent et burent, qu’en Nb 12/8 qui rapporte que Moïse et l’Eternel parlaient bouche à bouche et que Moïse voyait la forme de l’Eternel.

Cette lettre de Jean aurait tout aussi bien pu dire que personne n’a jamais entendu Dieu, ce qui nous rassurerait sur le fait que nous pouvons nous affirmer chrétien sans avoir pourtant jamais entendu la voix de Dieu, alors que le premier Testament est constellé de paroles de Dieu, de personnages bibliques qui semblent entendre Dieu comme vous m’entendez actuellement. Ce serait rassurant, mais contradictoire avec une grande partie des récits bibliques.

Faut-il en conclure que nous sommes de piètres croyants ? Faut-il en conclure que l’auteur de cette lettre ne valait pas beaucoup mieux que nous ? A moins qu’il faille en conclure que l’auteur de cette lettre ne connaissait pas la Torah ou ne lui accordait aucune valeur ?

Cette situation est significative de bien des moments de notre vie spirituelle où nous nous trouvons en porte à faux entre ce que nous expérimentons et ce que nous imaginons devoir être un modèle de vie spirituelle : bien souvent, ce que nous croyons vraiment ne correspond pas tout à fait voire pas du tout à ce que nous imaginons être la règle en matière de religion chrétienne. Il est écrit que… mais nous, nous constatons que ça se passe autrement. Par exemple, on nous dit « parole de Dieu », mais nous n’avons jamais entendu la moindre parole qui soit prononcée par quelqu’un qui serait manifestement Dieu.

Qui a raison, qui a tort ? La Bible a-t-elle raison contre nous ? Le rédacteur de ce texte a-t-il tort contre le livre de l’Exode ? En affirmant que les deux ont raison, et que ni la Bible ni nous n’avons tort, je ne vais pas chercher à prouver que la Bible ne se contredit jamais, ni qu’elle ne contiendrait aucune erreur historique. Et en essayant de vous rendre sensibles au fait que celui qui écrit que personne n’a jamais vu Dieu dit la même chose que celui qui a écrit que les Israélites virent Dieu, je ne cherche pas à vous rendre fou ou à sauver la cohérence du texte biblique à tout prix. J’en profite, par contre, pour vous alerter sur le risque que pourrait faire courir une lecture littérale, sans interprétation. Je veux plutôt vous mettre en garde contre une lecture des textes bibliques qui opposerait des quotes isolés de leur contexte. Nous savons tous que, de nos jours, l’expression « c’est mortel » change de sens en fonction de son contexte. Elle peut vouloir exprimer le danger mortel d’une situation, comme conduire en ayant bu trop d’alcool. Elle peut vouloir exprimer le caractère merveilleux d’une situation qui suscite un bonheur rare. Une « prédication mortelle » peut être ennuyeuse ou excellente, selon le contexte.

Dans le cas qui nous occupe, dire que personne n’a jamais vu Dieu, est destiné à confirmer que Dieu n’est pas une chose ou une personne qui pourrait être observée à l’œil nu. On ne peut pas non plus observer Dieu avec un télescope, ni avec un oscilloscope. Dieu n’a pas une forme propre, il n’a pas de matérialité propre. On ne peut ni le voir, ni le toucher, ni l’entendre, ni le sentir, comme cela est possible pour tout objet ou pour tout être dont nous avons connaissance. Ce simple constat fait dire à certains que Dieu n’existe pas, ce qui est un peu court car, dans ce cas, ils devraient considérer, pour les mêmes raisons, que l’air n’existe pas et arrêter d’inspirer. Dieu n’est pas un être parmi les autres, il n’est pas dans le monde des objets, il n’est même pas dans l’univers moléculaire comme l’air qui est, lui, fait d’atomes.

En disant que personne n’a jamais vu Dieu, le rédacteur ajoute que ce qui a été vu, c’est le fait que le Père a envoyé le Fils comme sauveur du monde. Cette indication est décisive car, bien évidemment, personne n’a vu le Père et encore moins le Père en train d’envoyer son Fils. En écrivant que personne n’a jamais vu Dieu, mais que lui et d’autres ont vu le Père envoyer le Fils, le rédacteur nous donne une indication précieuse sur l’enseignement qu’il veut nous apporter : il est impossible de voir Dieu comme un être à part, mais il est possible de voir une dynamique, semblable à un Père envoyant son Fils, et cette dynamique peut être appelée Dieu, elle peut donner une forme à ce que l’on nomme Dieu. L’image du Père exprime la création, la possibilité d’une naissance. Le Fils exprime l’accomplissement de cette possibilité, la réalisation de ce projet, l’incarnation de cette dynamique de vie. Il est impossible de voir Dieu comme une chose ou comme un être en soi, mais il est possible de voir une dynamique de vie qui sauve le monde et l’appeler Dieu.

Il est possible de voir Dieu non pas comme une entité (personne n’a jamais vu une entité qui s’appellerait Dieu), mais comme une dynamique de vie (les Israélites la virent et ils mangèrent et burent). Et c’est cette dynamique de vie que le rédacteur va présenter dans la suite de la lettre, un rédacteur qui appelle Dieu cette dynamique de vie qu’on appelle aussi l’amour.

N’aurait-il pas été plus simple d’être plus court en disant directement que Dieu est amour ? Ce détour est nécessaire pour éviter de comprendre l’expression « Dieu est amour » comme une manière de dire la principale caractéristique d’une personne qui serait Dieu, comme on peut dire « Camille est gentille » ou « Claude est câlin ». L’aspect un peu alambiqué de ce texte est destiné à nous faire comprendre que l’amour n’est pas une caractéristique de Dieu, mais que Dieu désigne cette dynamique de vie qu’est l’amour. L’amour est l’être véritable de Dieu.

2. En quoi l’amour est-il divin ?

Et la suite va préciser ce qu’est cet amour. Car l’amour est un mot qui peut englober bien des réalités. La première précision est le destinataire de cet amour. Il ne s’agit pas d’aimer les glaces au chocolat, mais son frère. Et le terme grec agapè va désigner une manière d’aimer son frère bien différente de celle dont témoignent certains habitants de Bangui qui aiment tellement leur frère qu’ils le découpent en morceaux pour le manger.

C’est Jésus qui est convoqué pour nous donner une idée précise de ce qu’est l’amour véritable. En reconnaissant que le Jésus des évangiles est le Fils de Dieu, donc celui qui incarne la vie véritable ou, pour le dire avec la formule théologique, qu’il est Christ, il devient le centre de notre expérience religieuse. En voyant la vie de Jésus, nous voyons Dieu, nous voyons l’amour véritable. A travers la vie de Jésus rapportée par les évangélistes, nous voyons comment l’amour inspire l’homme pour mener une vie authentique, autre manière de traduire « le Père envoie son Fils comme sauveur du monde ».

Jésus nous montre que l’amour commence par la révélation de l’autre, que ce texte appelle frère. Le principal de l’activité de Jésus est d’aller à la rencontre du prochain, de se rendre proche de l’autre. Et chaque rencontre est marquée par le fait que le prochain est caractérisé par un manque. Chaque personne que rencontre Jésus a une faille. Chacun est révélé dans sa position d’indigent, soit qu’il est mal fichu, soit que sa vie n’est qu’un long échec, soit qu’il se sent sous le coup d’un châtiment qui l’empêche de vivre. Certains en sont conscients et viennent à Jésus dans la démarche du mendiant, d’autres, trop imbus d’eux-mêmes, font un déni de leur crainte qu’ils masquent à grand renfort d’intégrisme. Tous ont en commun d’être enfermés dans leur condition, prisonnier de leur état, ou de leur certitude ; ils sont assignés à leur place au sein de la société.

En les voyant, Jésus voit un frère, une sœur, et l’amour de la vie auquel il s’est entièrement abandonné lui inspire un comportement, une éthique, qui va sortir ces indigents de cette condition qu’ils pensaient définitive. Il va leur ouvrir une voie sur l’infini. Le paralytique peut prendre son grabat. L’aveugle peut devenir témoin. La femme pécheresse peut devenir agent de la grâce. L’infâme peut être prédicatrice. Le traître peut être chef de l’Eglise naissante. Le pêcheur de poisson peut devenir pêcheur d’homme. L’accusateur peut être prophète. Le possédé peut être libérateur. Les condamnées à mort peuvent enfanter. Et même l’eau de la banalité ritualiste peut provoquer la joie de l’inattendu. Cet amour-là est divin qui ouvre sur l’infini d’une vie renouvelée au lieu de figer d’entretenir un état qu’on imagine voire qu’on souhaite définitif. Cet amour-là est divin qui est inconditionnel, qui ne dépend ni de notre bon vouloir, ni de nos sentiments du moment, mais qui offre à celui qui se présente ce dont il a fondamentalement besoin pour être un peu plus humain.

Ajoutons que l’amour est une expérience universelle. Tout homme peut être saisi par l’amour en découvrant cet autre face à soi, et en l’aimant de telle manière qu’il n’ait plus peur de la vie, qu’il soit débarrassé de sa crainte d’exister, peur d’être condamné à ne pas vivre une vie authentique. C’est une expérience que peut vivre tout homme, toute femme, qu’il soit ou non un habitué de l’Eglise, qu’il soit ou non familier des textes bibliques, qu’il soit ou non connaisseur des principes théologiques. Cet amour-là est une expérience profondément religieuse, mais elle n’est pas l’exclusivité des croyants patentés (par contre, nous ne serions pas chrétiens si l’amour n’était pas le cœur de notre expérience religieuse, si nous nous contentions de savoir la foi qu’il faut croire, par exemple). Nous appelons « Dieu » cet élan d’amour, cette dynamique de vie qui nous pousse là où nous pouvons donner du réconfort, là où nous pouvons sauver notre prochain de l’angoisse, et d’autres peuvent le nommer autrement, dans une autre langue que la langue chrétienne. Mais au bout du compte, cette expérience-là est le fondement véritable de toute expérience religieuse, c’est-à-dire de toute expérience véritablement humaine. C’est l’expérience selon laquelle il est possible de prendre place à la table de la fraternité, et de manger et boire, avec celui qui est a priori infâme, peu aimable, détestable, mais que l’amour divin nous désigne comme frère ou sœur.

Amen

Lecture de la Bible

1 Jean 4:11-21

Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres.

12 Personne n’a jamais vu Dieu; si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous.

13 Nous connaissons que nous demeurons en lui, et qu’il demeure en nous, parce qu’il nous a donné de son Esprit.

14 Et nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé le Fils comme Sauveur du monde.

15 Celui qui déclarera publiquement que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu.

16 Et nous, nous avons connu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour; et celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

17 Tel il est, tels nous sommes aussi dans ce monde: c’est en cela que l’amour est parfait en nous, afin que nous ayons de l’assurance au jour du jugement. 18 La crainte n’est pas dans l’amour, mais l’amour parfait bannit la crainte; car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n’est pas parfait dans l’amour.

19 Pour nous, nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier.

20 Si quelqu’un dit: J’aime Dieu, et qu’il haïsse son frère, c’est un menteur; car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas? 21 Et nous avons de lui ce commandement: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère.

Traduction NEG

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